Ulrike Minkner
Paysanne et secrétaire d’Uniterre
La nature est devenue un produit romantisé qui est volontiers utilisé à différentes fins : la « nature libre » pour les vêtements d’extérieur, la « nature sauvage » pour les sports extrêmes ou la « nature intacte » pour les questions écologiques, pour ne nommer que quelques exemples. Bien que la nature et la biodiversité, qui y est liée, appartiennent à tou·tes et que leur maintien soit le devoir de tou·tes, cette responsabilité est souvent déléguée à des groupes spécifiques. Les consommateurs et consommatrices sont par exemple encouragé·es à faire des achats responsables. Cela nous permet de nous racheter une conscience morale et éthique, en consommant des produits labellisés. Nous faisons certainement aussi un choix pour notre santé, vu que nous partons du principe que les produits bio ou IP sont moins chargés en produits nocifs. Nous – au moins les personnes qui peuvent se permettre ces coûts supplémentaires – partons également du principe que c’est aussi un moyen de soutenir la biodiversité ou au moins, de ne pas lui nuire. Mais tou·tes ne peuvent pas se permettre le coût supplémentaire de ces produits. Le budget du ménage est déjà tellement impacté par le loyer, les primes d’assurance maladie et d’autres frais fixes, que l’on serre la vis au niveau de l’alimentation. Les paysannes et paysans sont à leur tour accusé·es de ne pas en faire assez pour la biodiversité. En termes moins subtils, ils détruiraient la nature. Une fois de plus, la faute est mise sur un groupe particulier.
Une sélection a été faite dans l’agriculture pour produire de plus en plus efficacement. Plus de quantité, des prix plus bas et l’utilisation de technologies ont été pendant des décennies les buts de la politique agricole et de la recherche. Alors que l’on déplore de nos jours que cette augmentation ciblée de l’efficience va de pair avec une perte de biodiversité, on nie que les milieux paysans notamment ont présagé ce développement. Tôt ou tard, tout système est épuisé. C’est pourquoi la solution autour de la perte de biodiversité ne peut être déléguée à un groupe particulier. Ni, comme on aime le proposer, au marché. Il ne s’agit pas de se refiler la patate chaude. Mais il est clair que nous avons besoin de mesures politiques soutenues par tou·tes et de nouvelles idées, car la biodiversité nous concerne tou·tes. Il existe d’innombrables mesures et prescriptions pour l’agriculture, qui prennent en partie la forme d’incitations financières. Il n’est cependant pas acceptable que le revenu paysan dépende de paiements directs toujours plus importants. Nous sommes relégué·es au stade de mendiant·es et la population a de moins en moins de compréhension pour ce système. Pour nous, paysannes et paysans, la biodiversité compte. Les surfaces dédiées à la promotion de la biodiversité sur les fermes sont en constante augmentation ces dernières années. Cet effort devrait être reconnu comme tel. •︎