Juste avant les fêtes – le 17 décembre 2024 – un article très intéressant du Schweizer Bauer, intitulé : « Butterimporte: So hoch fielen die Einnahmen aus » s’est penché sur les millions encaissés par la Confédération suite aux milliers de tonnes de beurre importées en Suisse entre 2020 et 2023.
Voici un bref résumé des éléments clés : Martin Hübscher, conseiller national (UDC/ZH) a demandé au Conseil fédéral à combien s’élevaient les recettes douanières s’agissant des importations de beurre. Résultat : en 4 ans – de 2020 à 2023 – la Suisse a importé 22 790 tonnes de beurre, pour un montant de droits de douane perçus par la Confédération de CHF 5,6 millions. Uniterre a d’ailleurs fortement critiqué ces importations. Stefan Kohler, gérant de l’Interprofession Lait (IP Lait), admet même dans un article à l’AgriHebdo du 12 juillet 20241 que les quantités élevées d’importation en 2023 n’étaient pas nécessaires rétrospectivement.
Depuis 2024, la situation s’est inversée, la Suisse fait à nouveau face à un surplus de beurre. Pour écouler cet excédent, il a été décidé, lors d’une séance de l’IP Lait de novembre 2024, de mettre en place des mesures d’allégement du marché. En voici leur mise en œuvre2 :
- 1500 tonnes de beurre vont être exportées et ont été attribuées aux exportateurs de beurre suivants : Emmi, Cremo, Züger Frischkäse et Imlig.
- 1500 tonnes de crème vont être exportées dans le cadre du contingent tarifaire de l’UE et ont été attribuées à mooh société coopérative et Arnold Produkte AG.
- Les acheteurs de premier échelon de lait de centrale (y c. lait de centrale transformé en fromage) vont prélever aux producteurs 1.00 ct/kg de lait acheté (hors quantités bio) de mars à mai 2025 (= 3×1.00 ct), montant qui sera reversé à l’IP Lait pour venir compléter l’argent que reçoivent déjà les transformateurs via les fonds de remplacement de la « Loi chocolatière ». Pour cela, un courrier a été adressé aux 50 plus gros acheteurs de lait de premier échelon (quantité annuelle: 2 040 000 t de lait de centrale), afin d’obtenir leur accord pour la mise en œuvre du financement complémentaire. En clair, les producteurs doivent contribuer de leur poche à l’exportation du surplus de beurre et crème.
Pour rappel, la « Loi chocolatière », alias les contributions à l’exportation de produits agricoles, a été abolie à la suite de l’interdiction par l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) des subventions à l’exportation. A la place, une solution de remplacement de cette « Loi chocolatière » a été mise en œuvre au 1er janvier 2019. En résumé : les producteurs reçoivent désormais 5 cts de supplément directement de la Confédération: le supplément pour le lait commercialisé. Et, de leur côté, les transformateurs déduisent des décomptes de lait des producteurs cette somme pour les répartir dans 2 fonds d’intervention.
Le montant total de ce fonds s’élève à CHF 170 millions/an3.
Questions : pourquoi est-ce aux producteurs de lait de contribuer au financement complémentaire de ces fonds pour faciliter l’exportation de ces surplus de beurre et crème, alors que la Confédération a perçu CHF 5,6 millions de taxes douanières sur des importations de beurre ? Pourquoi ne pas utiliser cet argent de la Confédération via le même système de remplacement de la « Loi chocolatière », au lieu de saigner encore et encore les producteurs de lait, qui, rappelons-le, ne gagnent en moyenne que 15 francs/h4, reçoivent un prix du lait bien en dessous du coût de production et sont déjà fortement mis à contribution par des cotisations diverses ?
Berthe Darras, commission lait d’Uniterre
2Rapport IP Lait, décembre 2024 – https://api.swissmilk.ch/wp-content/uploads/2024/12/info-psl-ip-lait-news-2024-decembre-fr.pdf?utm_source=Produzenten-20241223-FR&utm_medium=Newsletter&utm_campaign=Produzenten&campID=Newsletter-Produzenten-20241223-FR
3Rapport agricole 2024, https://www.agrarbericht.ch/fr/politique/production-et-ventes/economie-laitiere
4Revenu du travail de l’élevage laitier, PSL,13.12.24 – https://www.swissmilk.ch/fr/producteurs-de-lait/medias/psl-actuel/revenus-du-travail-de-lelevage-laitier-2/