Après l’article concernant l’action des Grondements des Terres sur un terrain de golf («24 heures» du 18 avril), l’association paysanne Uniterre souhaite clarifier ici sa position. Si le mode d’action employé n’est pas le nôtre, nous affirmons ici que nous comprenons les agissements des Grondements des Terres, et que nous ne pouvons que partager leurs inquiétudes.
Malgré ses engagements au niveau international, la Confédération reste d’une passivité affligeante face à l’effondrement de la biodiversité et au bouleversement climatique. Les actions menées par des collectifs tels que les Grondements doivent nous amener à questionner notre occupation de l’espace et des ressources, et redéfinir nos priorités pour une gestion durable de l’eau et des terres arables. Crise après crise, notre souveraineté alimentaire se trouve de plus en plus menacée. Il nous est dès lors difficile de comprendre pourquoi les paysan·nes sont régulièrement couverts d’opprobre pour certaines de leurs pratiques, alors que d’autres domaines d’activité, tels que les golfs mais pas qu’eux, ont toute la latitude pour poursuivre leurs activités sans être inquiétés.
Est-il vraiment nécessaire de rappeler que la Suisse n’est pas en position de force quant à son approvisionnement en aliments de base, malgré son très confortable pouvoir d’achat? L’action des Grondements des Terres, visant à réaffecter symboliquement les surfaces dédiées au golf, a dérangé surtout parce qu’elle est venue nous rappeler que notre précieux confort est bien loin d’être acquis. Combien il est difficile de réaliser que ces luxes auxquels nous nous sommes habitué·es, en tant que société, pourraient nous être retirés! Si les méthodes d’Uniterre diffèrent de celles des Grondements des Terres, notre organisation croit à la nécessité de faire converger nos luttes en faveur d’une agriculture paysanne diversifiée, résiliente, et pourvoyeuse d’une nourriture saine pour la population locale.
Nos origines
N’oublions pas qu’en août 1953 l’Union des producteurs suisses, appelée actuellement Uniterre, est née suite à l’action d’occupation de la gare de Saxon. La production étrangère d’abricots, principalement italienne et à petit prix, avait envahi les étals valaisans alors que la récolte indigène battait son plein. Plus de 5000 paysan·nes occupent la gare de Saxon, vident les cagettes d’abricots et mettent le feu aux wagons.
Nous voulons des campagnes vivantes, et l’accès à la terre pour les personnes, les collectifs et les familles désireuses de vivre de ce noble métier. Il existe une urgence réelle à faire de cet objectif une priorité absolue, et à ce titre, Uniterre est fière de mener ce combat avec les paysannes et paysans, d’ici et d’ailleurs.
Texte : Maurus Gerber, président Uniterre