La terre constitue le moyen de production essentiel des paysan·nes. Iels sont propriétaire·s, exploitant·e·s et utilisateurice·s de ce bien unique. La société a également un droit d’usage du sol puisque celui-ci forme la base de l’alimentation. L’utilisation du sol afin de produire des aliments constitue donc un intérêt commun. Ces intérêts de la société et de l’ordre de la paysannerie sont reconnus et protégés dans la législature sur le droit foncier rural et le bail à ferme agricole de 1992. À ceux-ci s’oppose le droit de propriété, le droit aux intérêts et le droit au terrain constructible lucratif. En séparant la production des aliments de l’extensification et des prestations écologiques, la politique agricole influence fortement le bail, la location commerciale et l’affermage par parcelles et les place ainsi dans une zone de tension.
Autour de 1900, seulement 7 à 8% des paysan·nes indépendant·e·s avaient des contrats de fermage. La superficie des terres sous bail représentait 16,6% de la surface agricole utile totale. Depuis, le chiffre de la superficie agricole sous bail n’a cessé d’augmenter : alors qu’elle était de 33% en 1965, elle se chiffrait à 37% en 1980 pour ensuite monter à 43% en 2005. Aujourd’hui, environ la moitié de la surface agricole utile n’appartient
plus aux paysan·nes qui l’exploitent, mais est louée par des personnes privées, des sociétés ou par le secteur public. En raison de la pression économique et des abandons des fermes qui en découlent, ce chiffre va continuer à augmenter. La part des capitaux étrangers aussi augmente continuellement : alors qu’elle s’élevait à 44% en moyenne de toutes les exploitations en 2010, il était à 49% en 2021 et à 50.9% en 2023, avec une somme moyenne de 579’000 CHF par ferme. À partir de ces chiffres on peut dire que ce sont les banques et les entreprises immobilières qui « possèdent » la majeure partie des sols.
C’est dans ce contexte que des personnes concernées racontent ici leur vécu. Dans deux interviews, nous montrons comment un fermage réussit depuis 7 ans. Nous laissons la parole à Kurt Utzinger, le co-président de la Schweizer Bergheimat qui accompagne des personnes souhaitant s’engager dans un bail agricole. Finalement, un paysan raconte le chemin rocailleux vers un bon bail.
Dans cette édition, nous mettons donc en lumière différents aspects du bail. Il y aurait bien sûr plus à raconter – mais nous avons décidé de prioriser les témoignages. C’est ainsi que nous souhaitons animer un débat autour de ce sujet controversé.