Communiqué de Presse Uniterre et Coalition Terre

Uniterre et la Coalition Terre répondent à la consultation publique de la révision partielle de la Loi sur le Droit Foncier Rural (LDFR).

En tant que loi qui détermine les conditions d’accès à la terre, la LDFR est un des rouages essentiels de l’agriculture paysanne en Suisse. Cette dernière demande main d’œuvre et respect de la nature, éléments qu’il s’agit de revaloriser. A l’inverse, l’agriculture industrielle est de grande échelle, standardisée, hautement mécanisée et tire les prix vers le bas, tout en concernant de moins en moins de personnes et en étant de moins en moins rémunératrice. L’agriculture et les écosystèmes dans lesquels elle s’inscrit, perd en diversité, en indépendance et en durabilité.

En ce sens, la Constitution fédérale rappelle que l’agriculture “contribue substantiellement: a. à la sécurité de l’approvisionnement de la population; b. à la conservation des ressources naturelles et à l’entretien du paysage rural; c. à l’occupation décentralisée du territoire”. (Cst. article 104). Pour ce faire, la LDFR estime qu’il est nécessaire d’« encourager la propriété foncière rurale et en particulier de maintenir des entreprises familiales comme fondement d’une population paysanne forte » (LDFR, article 1). En substance, on reconnait ici l’idée qu’une agriculture avec peu de paysan.ne.s ne peut être ni quantitative, ni qualitative.

Malheureusement, la révision de la LDFR tel que proposé par l’OFAG ne cherche pas à renforcer ces dimensions. Il serait pourtant nécessaire que la modification de cette loi réponde aux impératifs du contexte actuel : la situation démographique de l’agriculture Suisse périclite depuis bien trop longtemps et les temps à venir sont encore plus sombres. D’ici 10 à 15 ans, 50 % des agriculteurs.rices seront à la retraite et nombre d’entre elles.eux n’ont pas d’héritier.ères prêt.es à reprendre le domaine. L’idée de maintenir « des entreprises familiales » semble hautement illusoire.

Les fermes, grandissant de plus en plus, sont de moins en moins transmissibles car leur prix est de plus en plus élevé. Cependant, de nombreuses personnes, souvent non issues du milieu agricole, souhaitent s’installer en agriculture. Nous ne sommes par ailleurs pas la seule organisation à nous inquiéter de cette situation[1].

Malheureusement, l’endettement est souvent leur seule option, ce qui les contraint à adopter un modèle qui s’industrialise et se standardise de plus en plus. L’installation à titre individuel étant de plus en plus lourde, ils et elles sont par ailleurs nombreux.ses à vouloir travailler en collectif. Malheureusement, les formes juridiques morales de type association, coopérative et fondation sont exclues de l’accès à la terre, ce qu’entérine la révision de la LDFR.  Ces formes morales permettraient la création de nouvelles fermes innovantes, productives, pourvoyeuses de mains d’œuvre, de biodiversité et de résilience pour l’agriculture de notre pays. Si nous saluons l’assouplissement – par la révision prévue de la LDFR – en matière de possibilité de partage et de morcellement, celle-ci est encore trop contraignante et il est aujourd’hui fondamental de considérer la question de l’accès à la terre avec plus de sérieux.

Ainsi, Uniterre ne peut en l’état appuyer inconditionnellement cette révision qui ne semble pas considérer ces éléments primordiaux et émet les recommandations suivantes :

  1. Mettre en place des politiques sérieuses et des instruments efficaces qui soient à la hauteur des défis qui constituent d’une part les prix excessivement élevés de la reprise d’exploitations agricoles dans le cadre extra-familiale, et d’autre par le besoin de garantir une retraite digne aux paysan.ne.s cédant.e.s. L’outil proposé par cette révision – à savoir renforcer la capacité d’endettement des repreneur.e.s en augmentant la limite de charge – nous mène dans le mur. Une révision de l’article 66 allant dans ce sens est impérative.
  2. Si nous saluons l’encadrement des SA et SARL quant à l’accès à la terre proposé par la révision, nous regrettons l’exclusion d’autres formes juridiques morales. Certaines d’entre elles – sous réserve de but non-lucratif, de garanties du caractère agricole et principal de l’activité – pourraient faciliter l’accès à la terre pour les collectifs tout en évitant les dynamiques de spéculation, de placement et de holding. Ces formes juridiques permettraient par ailleurs d’accéder à certains financements qui permettraient de contourner la problématique de prix bien trop élevés.
  3. Au-delà de la LDFR, mettre en place une politique qui facilite l’accès à la terre et la reprise extra-familiale. En parallèle, permettre à une agriculture paysanne à taille humaine d’exister nécessite un changement fondamental en ce qui concerne les paiements directs afin que ceux-ci valorisent les dimensions productives, humaines et écologiques plutôt que la taille des exploitations.

 

Concernant les autres éléments de cette révision de la LDFR, Uniterre se positionne en faveur des mesures pour améliorer la situation des conjoint.es. Cependant, il serait utile d’aller plus loin afin d’améliorer la situation des femmes dans l’agriculture, notamment concernant les titulaires de droits de préemption issu·es d’une même fratrie. Dans un monde patriarcal, les femmes sont souvent défavorisées dans le cadre d’une remise familiale, au profit du frère.

En clair, nous avons besoin de politiques publiques d’accès à la terre fortes qui facilitent la transmission extra-familiale et encouragent le renouvellement générationnel. Réciproquement, les politiques agricoles et les paiements directs doivent valoriser la dimension paysanne de l’agriculture comme nous l’avons exposé dans notre proposition de vision de PA30+, dévoilée fin novembre.

Contacts :

Veronica Frigerio, juriste d’Uniterre, 076 409 15 57, v.frigerio@uniterre.ch

Bastien Stauffer, membre de la Coalition Terre, 077 925 64 51, staws@riseup.net

 

Annexe: nos propositions concrètes vis-à-vis de cette révision

Communiqué de presse en pdf

[1]  JAVD; VKMB; Rapport agricole 2024, Etat de Fribourg, publié le 28 octobre 2024