Le 17 avril est la journée internationale des luttes paysannes. Elle fait suite au massacre de l’Eldorado do Carajas (Brésil) en 1996, où la machine étatique, de connivence avec les intérêts de l’agrobusiness, a assassiné 19 paysan.nes qui défendaient leur droit à la terre [3]. Cette journée, célébrée à des échelles locales par des organisations paysannes larges, est appelée par le plus grand mouvement international paysan « La Via Campesina » (182 organisations, 200 millions de membres dans 81 pays) [4]. A Genève aussi, les organisation paysannes MAPC et Uniterre ont répondu à l’appel, en invitant pour des prises de paroles le comité de soutient à Jérémy et le mouvement Grondement des Terres. Nous soulevons les points suivants.
Entreprises destructrices du vivant
“ Ce 17 avril, plus que jamais, nous réaffirmons que notre combat fait partie de la défense des droits humains et de la vie, comme le stipule la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysan·nes et autres personnes travaillant dans les zones rurales (UNDROP). Alors que le capital avance sur des territoires qui, jusqu’à récemment, étaient considérés comme “marginaux”, les paysan·nes, les peuples autochtones et les autres habitant·es des zones rurales représentent la principale frontière de résistance contre l’hydro-agro-extractivisme des multinationales. » La Via Campesina, avril 2023. [5]
Année après année, nous constatons l’accaparement, par les entreprises capitalistes, des ressources, des terres, des vies, laissant derrière elles un sillon de destruction. Leurs discours de transition écologique sont autant de mensonges, sachant que leur logique de destruction est et restera celle qui prévaut. Ce ne sont ni le capitalisme vert ni le greenwashing sur l’agroécologie qui pourront sauver qui ou quoi que ce soit. Les paysans et paysannes meurent, les fermes disparaissent, les espaces naturels sont détruits, et les États ferment les yeux.
Si nous voulons renverser l’ordre des choses, nous devons créer un mouvement social fort et une convergence des luttes, qui se battent pour construire un système alimentaire autonome et solidaire. Ce mouvement, nous pouvons le voir émerger.
En France, la coalition large entre la Confédération Paysanne, Extinction Rebellion, le collectif “Bassines Non Merci”, Les Soulèvements de la terre et d’autres réunit des milliers de personnes qui s’opposent frontalement aux grands projets détruisant les terres, si précieuses et nourricières. En Suisse aussi, les occupations de lieux naturels à défendre se multiplient et des mouvements comme les Grondements des Terres dénoncent et rendent visibles les actions destructrices de grands groupes, en particulier les seigneurs du béton, Orlatti et Holcim.
L’industrie du béton est la plus polluante de Suisse, et participe massivement à la raréfaction des terres agricoles de qualité. Orllati par exemple, loue des terres agricoles aux paysan.nes pour extraire les graviers nécessaires à la construction de bâtiments, puis y enfouit les déchets de béton issus des chantiers. Une petite couche de terre arable par là-dessus pour faire oublier que des machines de 90 tonnes ont définitivement tassé et détruit le sol. Ces pratiques déroutantes ont été révélées en 2020 par le site d’information “heidi.news” avec son dossier en 6 épisodes “Les Vaudois et leur bac à sable magique” [6].
Le système agro-industriel tire en continu les revenus agricoles vers le bas. Il force les paysan.nes à choisir les profits à court terme comme celui que nous venons de citer plutôt que la production. Et au final, ce sont les entreprises du béton qui en profitent le plus, dégageant d’énormes bénéfices sur le dos de la population locale
Cela doit cesser ! La terre doit aller à celles et ceux qui la cultivent et des revenus équitables et rémunérateurs doivent être garantis aux paysan.x.nes.
Répression des luttes écologistes
« La condition préalable à un tel futur est la fin immédiate et inconditionnelle de la criminalisation et de la persécution des mouvements paysans et de leurs leaders. Le mois d’avril est l’occasion pour nous de dénoncer collectivement cette persécution et de nous battre ensemble contre les forces qui nous oppriment.” La Via Campesina, avril 2023. [7]
Les mouvements sociaux de plus en plus massifs se heurtent à une répression féroce, qui montre bien les intérêts défendus par les ÉtatsÉtats. La répression de la manifestation en France du 25 mars contre les mega-bassines a fait plus de 200 blessé.e.x.s dont toujours une personne dans le coma [8]. Ici à Genève, un militant, Jérémy [9], est en détention préventive à Champ-Dollon depuis presque un mois, accusé d’avoir saboté des machines de chantier de l’autre ogre bétonneur Holcim [10].
Nous devons rester solidaires avec les personnes réprimées, harcelées, enfermées ou exécutées pour leur engagement dans les luttes paysannes et de préservation de zones de forêt, de montagne, de nature. Nous devons intensifier la pression sur les autorités, les entreprises et les personnes qui engendrent des dégâts environnementaux irréversibles alors que l’urgence climatique nous fait face.
Face aux crises globales, construisons la souveraineté alimentaire pour assurer un futur à l’humanité
“ En novembre de cette année, La Via Campesina organisera sa 8e Conférence Internationale au Nicaragua. Lors de cette conférence internationale, nous rassemblerons les diverses propositions émanant de nos 182 organisations membres dans 81 pays. Nous bénéficierons d’un large éventail d’expériences que nos communautés paysannes et autochtones ont déjà mises en pratique. Nous échangerons et construirons une vision collective de l’avenir basée sur ces alternatives existantes et pratiquées dans nos communautés. Alors que nous rassemblons nos propositions en vue de cet événement important, notre appel à l’union et à la construction d’une nouvelle société est bien exprimé dans le slogan pour notre 8e conférence : Face aux crises globales, construisons la souveraineté alimentaire pour assurer un futur à l’humanité.” La Via Campesina, avril 2023. [11]
Le MAPC et Uniterre sont membres de la Via Campesina et participent de fait à renforcer les luttes paysannes à travers le monde. En se solidarisant avec les peuples paysans oppressés mais aussi en échangeant sur nos pratiques et les possibilités d’un avenir commun en dehors du système capitaliste destructeur.
Pour le MAPC, les axes de travail discuté et choisi lors du week-end de réflexion annuel de mars 2023 sont :
- Renforcer localement les pratiques d’agriculture paysanne à l’aide d’un outil de diagnostic utilisé en France [12], adapté au contexte suisse, et qui permettra un meilleur échange sur les pratiques agroécologiques et sociales dans les fermes.
- Réfléchir à l’élaboration d’une distribution et production collective de biens alimentaires au sein de nos structures membres, notamment dans le cadre du projet “Locali” à Genève.
- Renforcer l’accès à la terre pour les jeunes, en collaboration avec Uniterre et d’autres organisations paysannes, afin de faciliter les transmissions de fermes et de permettre de multiplier leur nombre.
- Travailler et thématiser sur les prix rémunérateurs pour le travail paysan, tout en rendant possible l’accès à des produits de qualités à l’ensemble de la population. L’inscription du droit à l’alimentation dans la constitution genevoise sera voté le 18 juin 2023 et pourrait créer une base légale à une politique de l’alimentation juste et solidaire.
Le MAPC et Uniterre condamnent les entreprises qui participent à la destruction des sols vivants !
Le MAPC et Uniterre appuient les luttes qui s’opposent à la destruction de notre écosystème !
Le MAPC et Uniterre condamnent la répression des militant.x.es écologistes !
Le MAPC et Uniterre souhaitent que l’accès à la terre soit facilité pour les jeunes !
Le MAPC et Uniterre veulent des prix rémunérateurs pour les paysan.x.nes !
Le MAPC et Uniterre veulent l’accès à une nourriture de qualité pour tous.x.tes !
Mouvement pour une Agriculture Paysanne et Citoyenne (MAPC)
Uniterre
Le 18 avril 2023