28/02/2024

La réponse politique aux manifestations agricoles doit passer par des réformes DU MARCHE soutenant le revenu des agriculteurs

France, Allemagne, Belgique, Pologne, Lituanie, Italie, etc. – une immense vague de colère chez les agricultrices et agriculteurs traverse l’Europe. Bien que dans certains pays les responsables politiques aient déjà réagi et fait des concessions, les fermiers et leurs tracteurs sont encore prêts à bloquer les routes et les villes. Car l’enjeu ne porte pas sur l’octroi de subventions ou d’allègements fiscaux plus ou moins généreux, mais sur l’ensemble du secteur agricole qui par le biais des politiques néolibérales s’est transformé en gouffre financier pour les agricultrices.teurs au cours des dernières années et décennies. Les produits agricoles ne permettent-ils donc plus de gagner d’argent ? Si, mais la chaîne de valeur est à tel point mal répartie que les producteurs et leurs familles n’en voient pas la couleur.

Pour Kjartan Poulsen, président de l’European Milk Board asbl, la situation restera dans une impasse chronique tant qu’il n’y aura pas de changement fondamental dans le secteur agricole. « Nous ne sommes pas face à des exceptions nationales mais à un déséquilibre total à l’échelle européenne. Aussi en appelons-nous aux responsables politiques européens et leur réclamons- nous de mettre en place les réformes que nous attendons depuis trop longtemps, afin de donner la possibilité aux productrices.teurs de sortir de ce gouffre financier. La question du revenu est essentielle pour les producteurs. Tant qu’elle n’est pas résolue, ces puissantes protestations se poursuivront.»

Véronique Le Floc’h, présidente de la Coordination rurale (CR), décrit la situation financière des agriculteurs en France en ces termes : « Entre 2020 et 2022, l’éleveur français a fait -4 % sur sa marge brute. Est-ce possible de répartir les marges ? Je ne demande la faillite de personne, mais surtout pas de la nôtre ! »

Le président de l’Association des Producteurs de Lait Indépendants (APLI), Adrien Lefèvre, se montre lui aussi inquiet quant à l’avenir de la production : « Nous sommes confrontés à une hausse des contraintes, certes, mais surtout à une dégringolade des prix dans toutes les productions partout en Europe. Il est urgent d’envoyer un réel message fort et positif aux futures générations d’agriculteurs si on veut rester acteur de notre alimentation dans l’avenir ! »

De par sa propre expérience, Jean-Luc Pruvot, président de FaireFrance, la marque de lait équitable produite par des éleveurs laitiers, sait qu’une répartition équitable des marges est possible : « Le lait équitable est une véritable solution pour l’avenir des producteurs, à l’échelle française comme européenne. Il est temps qu’il soit reconnu et soutenu par nos politiques ! »

Au regard de la baisse des subventions et de la faible volonté de renflouer l’agriculture à coup d’argent public, il devrait aussi être de l’intérêt des politiques de mettre en place des réformes et de redéfinir le marché de façon à pouvoir obtenir des prix générateurs de revenus pour les producteurs. Cela signifie que le prix que versent les transformateurs aux producteurs doit aussi être le reflet des coûts de production et que l’argent présent dans la chaîne de valeur soit enfin équitablement réparti.

Il convient par conséquent d’introduire sans tarder les réformes suivantes :

1. Un règlement européen interdisant la pratique de prix inférieurs aux coûts de production

Pourquoi ?

Ce qui paraît évident dans d’autres secteurs, à savoir, que les coûts doivent être répercutés et se retrouver dans le prix – ne l’est pas dans de nombreux domaines de l’agriculture. La main invisible du marché exerce une pression forte et visible sur les prix et les entraînent sous la ligne des coûts de revient. Un règlement européen interdisant la non-couverture des coûts de production induirait une stabilisation des revenus dans toute l’Europe et par ce biais des structures de production.

2. Des instruments de crise adéquats doivent être intégrés dans le système agricole européen, comprenant notamment un mécanisme d’alerte précoce opérationnel qui fonctionne à l’aide d’indicateurs pertinents tenant compte des coûts de production y compris un revenu raisonnable pour le producteur et qui s’active automatiquement en cas de crise naissante, comme la renonciation volontaire aux livraisons / le programme de responsabilisation face au marché.

Pourquoi ?

Dans le secteur laitier par exemple, une crise en chassait une autre au cours des années passées. La production excédentaire a suscité un effondrement des prix au plus bas, contraignant à chaque fois de nombreux producteurs à quitter la profession. Ces crises peuvent être évitées ou atténuées si on les identifie à temps à l’aide du mécanisme adéquat et qu’on contre la production excédentaire avec un programme visant à réduire les volumes, par exemple. Cela fonctionne, comme le montre l’utilisation du programme dans l’UE en 2016/ 2017.

3. Des règles contractuelles européennes concrètes notamment sur les volumes et les prix rémunérateurs avant livraison du lait. Celles-ci doivent s’appliquer à tous les acteurs du marché et aussi aux coopératives.

Pourquoi ?

Ce n’est que si les contrats contiennent les bons éléments qu’ils amélioreront la position des producteurs sur le marché. La répartition inéquitable des richesses créées tout au long de la chaîne s’explique par un déséquilibre des forces des acteurs du marché. Tandis que les transformateurs et les distributeurs peuvent s’assurer que leurs coûts de production sont couverts et qu’ils enregistrent par ailleurs des bénéfices importants avec des produits alimentaires, côté producteurs, les déficits s’accumulent.

4. Des organisations de producteurs horizontales fortes, regroupant les producteurs, sans exception pour les coopératives, en vue d’obtenir une meilleure position de négociation.

Pourquoi ?

Des organisations de producteurs fortes sont aussi des acteurs de négociation forts lorsqu’il s’agit de discuter des prix versés aux producteurs avec les laiteries. Mais une telle organisation ne peut être forte que si elle fédère de nombreux producteurs et qu’elle négocie avec plusieurs laiteries, c’est-à-dire sur un mode horizontal. Les groupements de producteurs dits verticaux, dépendant d’une laiterie ne peuvent afficher une telle force.

5. Une réelle intégration des producteurs dans la conception et l’application du Green Deal, incluant la mise à disposition des outils pertinents

Pourquoi ?

Actuellement, les producteurs ne participent pas à l’élaboration du Green Deal. On ne fait que leur dicter des objectifs, alors que ce sont eux qui devront en définitive supporter les charges de ces stratégies avec leurs revenus agricoles déjà faibles. Cela doit changer. Les productrices.teurs doivent être placés au centre des stratégies agricoles et participer à la conception de ces dernières. La lutte contre le réchauffement climatique a besoin des fermières et des fermiers. Le Green Deal doit servir à réformer le système actuel et l’amener vers un modèle socialement durable.

6. Des clauses miroirs qui garantissent que les denrées alimentaires et le fourrage importés respectent la réglementation de l’UE. Le respect de cette réglementation doit en outre être assuré par des contrôles et des sanctions proportionnels.

Pourquoi ?

Si des marchandises ne respectant pas les mêmes normes environnementales que les produits européens sont importées, elles génèrent un préjudice multiple. Tout d’abord, du fait de leurs coûts de production inférieurs liés à leur moindre qualité environnementale, elles pourront être vendues moins cher que les produits des agriculteurs européens et excluront par conséquent ces derniers du marché. En outre le niveau de coûts inférieur encourage la délocalisation de la production à l’extérieur de l’UE, où la pollution augmente ainsi. Et ce, pour des produits consommés en Europe.

7. Soutenir et étendre publiquement le projet du Lait équitable dans l’UE.

Pourquoi ?

LeLait équitablenous montre que c’est possible. Dans le cadre de ce projet, des prix rémunérateurs incluant un revenu équitable sont payés aux producteurs participants. Même si des projets de Lait équitable existent déjà en France, en Allemagne, en Belgique, au Luxembourg et en Suisse, ils ne touchent pas suffisamment de consommateurs et de producteurs. L’effet bénéfique que le Lait équitable a sur la vie et le revenu des agricultrices et agriculteurs doit bénéficier à un nombre bien plus grand de producteurs. L’UE comme chacun de ses pays peuvent y contribuer via une reconnaissance publique du Lait équitable.

Contacts :

Kjartan Poulsen – Président de l’EMB (EN, DK, DE) : +45 (0)212 888 99
Boris Gondouin – Membre du Comité directeur de l‘EMB (FR) : +33 (0) 6 79 62 02 99 Silvia Däberitz – Directrice de l’EMB (FR, DE, EN) : +49 (0)176 380 98 500
Adrien Lefèvre – Président de l’APLI (FR) : +33 (0) 6 75 43 62 82
Aline Braunsteffer (CR) – Animatrice Section Lait (FR, EN, DE, IT) : +33 (0)6 30 73 06 60 Jean-Luc Pruvot – Président de FaireFrance (FR) : +33 6 76 98 00 50

European Milk Board asbl
Rue de la Loi 155C, B-1040 Bruxelles VAT: BE0535.674.283
Tél.: +32 (0)2 808 1935
Fax: +32 (0)2 808 8265 office@europeanmilkboard.org www.europeanmilkboard.org

https://www.facebook.com/europeanmilkboard.fr/

Lien de ce communiqué de presse sur leur site internet : European Milk Board