Communiqué de presse Uniterre

L’OFEV est revenue sur sa volonté d’introduire des valeurs écotoxicologiques limites pour certains produits, sous la pression de l’USP. Uniterre s’oppose à une telle manoeuvre!

«Ein Tropfen von einem Produkt mit Deltamethrin kann einen ganzen Bach vergiften (Une goutte d’un produit contenant de la deltaméthrine peut contaminer un ruisseau entier)». Ces mots proviennent de Kurt Seiler, chimiste cantonal de Schaffhouse. Il s’exprimait dans les médias [1] alors que l’OFEV, sous l’impulsion de l’Union Suisse des Paysans (USP), devrait renoncer à fixer des valeurs limites écotoxicologiques pour la deltaméthrine, un insecticide non-spécifique particulièrement toxique, qui ne permet pas du tout une utilisation ciblée. L’OFEV avait pourtant prévu d’introduire de telles limites pour 11 pesticides problématiques, mais a fait marche arrière pour 4 d’entre eux, comme l’a révélé la SRF. Et sans valeurs limites, impossible pour les chimistes cantonaux d’agir en cas d’excès. Pourtant, la Loi sur la protection des eaux (Leaux) exige de telles limites pour les produits problématiques, comme expliqué par le juriste spécialiste des questions environnementales Hans Maurer dans le sujet de la SRF.

L’USP justifie sa position en invoquant l’importance que revêt cet insecticide pour la production suisse et le retrait toujours plus fréquent des substances actives du marché. Dans la même veine, l’USP a récemment envoyé une lettre aux membres de la Commission de l’économie et des redevances (CER) pour que l’interdiction d’un pesticide ne soit possible que si une alternative équivalente existe sur le marché [2]. 

Uniterre s’oppose à cette stratégie pour les raisons suivantes:

    • Comment justifier ne pas mettre en place des valeurs limites pour des produits qui peuvent, à des doses infimes, être dévastateurs pour les écosystèmes? On ne parle même pas ici d’une interdiction de ces produits mais de l’établissement de valeurs limites qui autoriseraient, jusqu’à un certain point, leur utilisation. S’agissant d’un produit non spécifique à très large spectre d’action insecticide, le domaine d’application devrait être limité et précisé, en cas d’autorisation.
    • Des milliers de paysannes et paysans se passent aujourd’hui déjà de ces produits. Certes, cela demande plus de travail, mais c’est là à la politique d’agir en incitant financièrement d’autres approches et en valorisant le travail paysan en augmentant les contributions à la production intégrée ou en augmentant la taxation douanière sur les produits importés Un effort d’investissement public supplémentaire dans la recherche est indispensable pour trouver des produits de substitution respectueux de l’environnement, des techniques culturales qui permettent de répondre à ces défis et développer des variétés plus résistantes.
    • L’USP souhaiterait qu’un produit ne soit interdit que si un autre produit équivalent n’est accessible sur le marché. Mais pourquoi donc l’agrochimie s’évertuerait à trouver des alternatives si elle peut continuer à vendre ses produits tant qu’elle n’aura pas trouvé d’alternatives? On tomberait dans une impasse! Devrait-on ainsi autoriser à nouveau des pesticides tels que le chlorothalonil qui est présent dans l’eau potable bien au-delà des valeurs limites avec l’argument qu’aucun autre produit ne possède son efficacité?
    • Les autorités se sont fixées une trajectoire de réduction des risques liés aux produits phytosanitaires. A cet égard, tout produit problématique devrait se voir limité afin de respecter les objectifs fixés. Un retour en arrière n’est pas admissible!

Nous exigeons donc du Conseil fédéral qu’il revienne sur cette décision qui doit encore être avalisée, d’allouer plus de ressources à la recherche d’alternatives, de mettre en place des compensations financières pour les paysannes et paysans qui font autrement et de respecter ses propres objectifs de réduction des risques liés à ces produits. Nous refusons que notre profession soit tenue pour responsable des risques encourus par l’utilisation de ces produits hautement toxiques pour l’environnement et la population. Nous soutenons également la Mo. 23.4289 Badertscher [3] qui souhaite accélérer les procédures d’autorisation des produits présentant un faible risque. Nous demandons finalement aux autorités de réguler l’importation d’aliments produits avec des pesticides interdits en Suisse, afin de ne pas soumettre nos paysan.ne.s à un dumping environnemental injustifiable.

Il en va de nos bases de production, de la santé des paysan.ne.s, de la population et de l’environnement! 

Contacts:
Karel Ziehli: secrétaire politique (FR/DE): 079 266 16 57
Rudi Berli: secrétaire politique (DE/FR): 078 707 78 83

Communiqué de presse en pdf

[1] https://www.srf.ch/news/schweiz/gewaesserschutz-departement-roesti-kein-grenzwert-fuer-hochgiftiges-insektizid, 05.02.2025

[2] https://www.blick.ch/fr/suisse/le-parlement-sous-pression-lunion-suisse-des-paysans-fait-du-lobbying-pour-legaliser-des-pesticides-interdits-certains-probablement-cancerigenes-id20597177.html, 16.02.2025

[3] https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20234289